Un jour ordinaire de confinement

Stephanie Booth
2 min readMar 30, 2020

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Aujourd’hui, j’ai réorganisé mon armoire à épices (j’en ai beaucoup), et j’ai pleuré en écoutant Joan Baez chanter “Hello in There” (une chanson qui m’émeut toujours en temps normal), dédiée à son ami John Prine, chanteur que j’ai découvert via une interview de Terry Gross dans Fresh Air, qui est dans un état critique, victime du Covid-19.

On est tous en deuil, sous une forme ou une autre, même sans avoir perdu personne. On est en deuil de notre normalité, de notre vie d’avant qui ne sera jamais plus, de notre liberté, de notre sécurité physique soudainement compromise, de notre quotidien avec les enfants à l’école et le travail au bureau, des nos rencontres avec nos proches et nos amis, d’un avenir dont on ne sais plus précisément de quoi il sera fait.

L’état de stupeur, le sentiment d’irréalité, le temps qui passe lentement, la perte de conscience du jour qu’on est, le déni à divers degrés, l’incapacité de se concentrer, de bien fonctionner… tout ça c’est du deuil.

Adieu le monde qu’on tenait pour acquis. Adieu aussi, le sentiment de sécurité qu’on avait ici, vivant dans un pays ultra privilégié, de ne pas courir grand risque de choper une saleté de maladie qui pourrait nous terrasser.

J’ai l’impression d’être le jour de la Moisson dans les Hunger Games. On attend tous, plus ou moins tétanisés, de savoir où le couperet va tomber. Chaque semaine qui passe, le bilan s’alourdit, les personnes touchées se rapprochent. La grande majorité, sans gravité, heureusement. Mais pas toutes.

Ça commence à me faire peur. Mon déni commence à fléchir. La réalité rentre, insensiblement. Mais fermement.

Alors j’ai pleuré en pensant à John Prine, à Joan Baez qui chante pour un ami qu’elle risque de perdre, à tous les autres proches ou lointain qui sont touchés ou le seront. Je me recentre sur mon petit canton, ma petite ville, ma petite personne, en espérant très fort qu’on s’en tirera le moins mal possible.

J’essaie de ne pas trop penser au reste du monde, à l’Italie, à l’Inde, parce que juste là c’est trop dur.

Alors je vais aller me promener dans mon voisinage désert, parce que même si “je refuse de me réjouir”, cela ne veut absolument pas dire que je suis incapable de voir et de prendre plaisir au positif.

Et demain, je rangerai mon armoire à thés.

Originally published at Climb to the Stars.

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Stephanie Booth
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Written by Stephanie Booth

Anglo-Swiss. Digital communications and strategy. Lausanne. Feline Diabetes. Other random stuff.

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